1. Hegel (1770-1831), Correspondance, 3 volumes chez Gallimard, traduction Jean Carrère, 1967 (rééd. coll. Tel, 1990). Éclairage précieux sur l'époque, sur la lenteur des choses, on prend son temps, on voyage en malle-poste, pour les œuvres d'art, il faut en général se rendre sur place pour voir. Sur sa philosophie, ici, pas grand'chose, sinon ici et là, de jolis éclairs, comme lorsqu'il fait sien, en 1795, l'adage de Theodor von Hippel: "Tendez de toutes vos forces vers le soleil." Mais sur les conditions de vie au temps de Hegel, plein de choses intéressantes, voir http://www.erikrydberg.net/articles/hegel-et-ses-hectolitres-de-blé
2. Lars Forssell (1928-2007), Loggbok, artiklar om litteratur och kultur publicerade mellan 1944 och 1991 (Hägglunds förlag, 1996, finns på antikvariaten). När Lars gick bort 2007 gick vi miste om en stor djupt lodande "no nonsense" skribent. Här får man god och säker vägledning till Pound, Eliot, Milton, Hugo, Fridegård, Ahlin, Strindberg och många andra. Det är den sortens bok man håller nära till hands, både som referens och för omläsning. Citaten från Fridegård till exempel: "Jesses jävlar så tungt att vara människa...". Instämmer.
3. Francis Arzalier (né en 1939), Les nations nécessaires, 2015 (Delga). Dans ce mince volume de 88 pages, Arzalier renvoie aux racines historiques (1789) du patriotisme révolutionnaire, combattues avec succès par les élites du capitalisme transnational (qui ont su ainsi "conjurer leurs grandes peurs: les cauchemars de 1936 et 1968 ne reviendront plus, le PCF est presque mort, et la CGT réduite à défendre ses derniers acquis dans un champ de ruines sociales.") pour enfin être dévoyées par l'extrême droite du Front national. Pour Arzelier, "Le patriotisme anticapitaliste est la seule réponse contemporaine aux pathologies nationalistes qui nous menacent." C'est parler à contre-courant. Il anime avec d'autres le site du collectif Polex, qu'on n'hésitera pas à recommander: http://www.collectif-communiste-polex.org/
4. Ezra Pound (1885-1972), Les cantos pisans, 1948 +/-, édition bilingue avec la traduction 1986 de Denis Roche (qui laisse cependant le chinois, le grec, l'italien, etc., non traduit), réédité en Points Seuil, 2016. Inutile de dire que c'est dur à lire ni que cela abonde en pépites telle celle-ci: on a bicycle equally freshman / a.d. 1910 or about that / beauty is difficult / in the days of Berlin to Bagdad project (1910, une référence à Virginia Woolf, évidemment), ou encore celle-ci: we will see those old roads again, question, / possibly / but nothing appears much less likely. Les poètes maudits, on aime ou on aime pas.
5. Evguenia Iaroslavskaïa-Markon (1906-1931), Révoltée, 1931, Seuil, coll. Fiction & Cie, 2017, trad. Valéry Kislov. Pourquoi faire long quand on peut faire court: voilà un très mauvais livre... ah mais! encensé à droite (Le Figaro, Le Monde) comme à gauche (revue Ballast): il y a là une part de romantisme macho morbide (la photo de la pauvrette, jolie frimousse, exécutée à l'âge de 29 ans, orne avantageusement la couverture), mais plus encore de marketing éculé, énième sortez-vos-mouchoirs devant l'énième horreur de l'ex-URSS. L'écrit, mal écrit, rédigé dans l'antichambre de la mort, conte la brève trajectoire d'une petite sotte qui croit être révolutionnaire en rejoignant la pègre - n'est pas Jean Genet qui veut, elle vivra surtout de mendicité, et de petits larcins. C'est à ce titre, délinquante de droit commun, qu'elle a été condamnée par un tribunal militaire. Un peu durement, certes. Mais en faire tout un plat?
6. Hegel ,(1770-1831), Den dramatiska poesin, 1829, Bokförlaget Faethon, 2016, bestående av ett längre utdrag ur Hgls Estetik med ett nästan lika långt efterord av översättaren Sven-Olov Wallenstein. Hegel kan tyckas lida av klassificieringsmani när han skrider fram i mänsklighetens teaterproduktion men här finns dock en hel del att hämta, till exempel om Aristofanes: "Om man inte läst honom kan man knappast ana hur människan kan må svinbra." (det står på sid 100). Sven-Olov kan också vara svinbra, som när han påminner oss om att man på den tiden gav mycket tid och möda (här menas naturligtvis tanketid och tankemöda) åt att begrunda förhållandet mellan nödvändighet och frihet. Vem gör det idag? Ja, fråga kan man ju alltid.
7. Dominique Janthial, (contemporain), Devenir enfin soi-même, 2016, éditions Emmanuel. Prêtre, "curé des étudiants" (Louvain-la-Neuve), Janthial, c'est un peu particulier, une ancienne connaissance dans mon quartier, fin exégète des textes bibliques, conférencier plus qu'agréable, évangélisateur par profession et c'est un peu le but de ce petit livre de vulgarisation qui, au travers de quelques grandes figures des saintes écritures (Adam, Job, David, Abraham...), vise à la réconciliation avec soi des brebis égarées. C'est un mode de pensée qui détonne aujourd'hui mais pas tout à fait: Janthial a un penchant pour l'explication psychologique et voilà qui correspond bien au goût du jour pour les sortilèges semi-scientifiques de l'analyse psychanalyste.
8. Lucien Sève, (né en 1926), Penser avec Marx aujourd'hui, 2003 (La Dispute). Un des marxistes actuels les plus intéressants. Méditation bien charpentée, ici, sur les voies d'une renaissance communiste. Problème générationnel, entre autres: quand Sève avait 20 ans, en 1946, Lénine aurait eu l'âge d'être son grand-père. Cette proximité est, pour la plupart, désormais perdue. La perspective, non: comme Sève rappelle avec ironie, si Marx, aujourd'hui, était vraiment le chien crevé des nécrologues à la petite semaine, "quel besoin pourrait-il y avoir de déployer toujours autant d'efforts multiples pour conjurer ces possibles?" Poser la question... Avec Sève, on est à bonne école (même si son attachement à la pureté de la doctrine paraît souvent par trop scolastique: incorrigible student!).
9. Heinrich von Kleist, (1777-1811), Penthésilée, 1808, Aubier-Montaigne, Coll. bilingue des classiques étrangers, 1938 (trad. Roger Ayrault). Chers aux dieux, les amants aux noces mortuaires! Kleist se suicidera avec Henriette Vogel à 34 ans le 21 novembre 1811, comme Paul Lafargue avec Laura Marx, quasi un siècle plus tard jour pour jour, le 25 novembre 1911, comme aussi Stefan Zweig avec Lotte Altmann le 23 février 1942. Penthésilée, j'ai relu. Superbe ode à la femme farouche, la reine des Amazones dans son combat furieux avec Achille, qu'elle aime jusqu'à le faire mourir, jusqu'à le dévorer. Autres temps, cela. Il n'y a que Pasolini qui a encore su nous y faire pénétrer: Médée! Oedipe roi! Fellini, aussi: Le satyricon!, à voir et revoir. Sur Kleist, voir (anglais): http://www.heinrich-von-kleist.org/en/homepage/
10. Bertolt Brecht, (1898-1956), Écrits sur la politique et la société (réunion d'écrits 1919-1956), L'Arche, 1970, traduction Paul Dehem et Philippe Ivernel. Avec BB, on est toujours en excellente compagnie. Combien d'esprits de cette envergure par siècle? Pas beaucoup, pas beaucoup. Dans cette sélection de textes, nombreux sont ceux sur le petit peintre Hitler et sur l'arrière-plan de la séduction exercée sur ses sujets ("deux millions de mouchards et quatre-vingt millions de mouchardés"), dont ceci: les Allemands qui, à l'époque, cherchaient désespérement un emploi et de quoi vivre, "ils ne le trouveront que si l'État victorieux conquiert des territoires dont ils puissent disposer à leur guise. Ainsi, tous ont intérêt à la guerre. Tous. Est-ce clair?" (C'est Brecht qui souligne.) Sapristi...
Statistiques. Dix livres, dont six achetés neufs et trois de seconde main. Il en manque un? Extrait de ma bibliothèque: relire est une gymnastique recommandée. Dans le tas, il en trois du 19e siècle, un de la première moitié du 20e et trois de la deuxième moitié; trois sont récents. Varier les périodes historiques relève de l'hygiène mentale.