Le livre est un merveilleux téléphone. On peut même recevoir des appels de gens qui sont morts. Umberto Eco, par exemple. Là, tout de suite, il a raconté une chose fort amusante au sujet de la téléphonie portable, ces gadgets idiots ("dumbphones" comme disent les initiés) qui transforment une bonne part de l'humanité en autistes robotisés. C'est page 106 dans son livre "Numéro Zéro" dans l'édition de poche de 2016.
Il dit là que les téléphones portables, ça ne marchera jamais. Ils ne sont "utiles qu'aux couples adultères qui souhaitent éviter le téléphone de la maison et peut-être aux plombiers qui sont susceptibles d'être appelés à tout instant quand ils sont en déplacement." Il poursuit en prédisant que les gens importants, comme Rockefeller, Agnelli ou le président des États-Unis, s'en passeront évidemment: "ils ont une armée de secrétaire, hommes et femmes, qui s'occupent d'eux."
Ici, il aurait pu ajouter l'exemple historique du général de Gaulle qui n'utilisait jamais le téléphone: il laissait cela à d'autres, le téléphone, portable ou non, est de toute façon toujours une pure perte de temps. Les autres qui utilisent? Des "minables", laisse entendre Umberto Eco, des "pauvres types qui doivent être joignables par leur banquier pour s'entendre signifier qu'ils sont dans le rouge, ou par leur chef qui contrôle ce qu'ils sont en train de faire."
C'est bien pour cette raison, conclut-il, que "le téléphone portable deviendra un symbole d'infériorité sociale, et personne n'en voudra plus." Peut-être disait-il cela pour rire, Umberto Eco, puisque, s'il a beau situer l'action de cette historiette en 1992, son bouquin, dans l'édition originale italienne, date bien de 2015, lui. Donc? D'une certaine manière, tout est dit.
Chérie, c'est Umberto Eco au téléphone
14.06.2016