Profession: schtroumpf

De métallo à bonimenteur, c'est du durablement insoutenable? Le cas Legoland (ex-Caterpillar)

Il est des cocoricos qui tiennent du couinement amplifié. On pense là à l'annonce de la création prochaine d'un parc d'attraction Legoland à Gosselies sur les terres abandonnées en 2016 par Caterpillar. La chose est saluée sur plusieurs colonnes dans le journal financier Les Échos daté du mercredi 31 août. Quelque 800 emplois neufs sont miroités (1), sans compter, ritournelle obligée, le "ruisselement" pour l'économie du coin.
Le journal est plutôt avare en détail sur le groupe Merlin qui en tient les rênes, n°2 mondial du business des parcs d'attraction: une structure britannique dont l'actionnaire majoritaire est le fonds spéculatif étatsunien Blackstone (quelque 600 milliards d'actifs sous gestion selon Wikipédia). Mais les lecteurs des Échos savent en un clin d'œil tapoter sur leur dumbphone pour trouver cela tout seuls.
On apprend aussi qu'à côté - ou en déduction? - des 400 millions euros qu'investira le groupe britannique, la Région wallonne s'est engagée à "injecter" 135 millions euros. La bêtise ordinaire (inculquée) fait parfois dire que les sans emploi sont des assistés sociaux. Cela ne fait même pas rire les assistés du big business. Mais cela sert leurs intérêts.
Pour en revenir à la centaine d'hectares vouée à devenir un lieu de distraction payant, l'affaire ne manque pas d'être ironique. Un business USA en remplace un autre. Avec, au passage, une méchante décote socio-économique.
Avant, il s'agissait de travailleurs productifs qui assemblaient des engins de chantier avec forte plus-value à la clé. Demain, ce seront des travailleurs improductifs qui vendront du vent. Si le terme existait dans la nomenclature des officines de l'emploi, on dirait des allumeuses, des camelots, des bonimenteurs comme à la Foire du Midi. D'aucuns diront encore: des "shitjobs".
Comme les consommateurs de ces appâts ès-loisirs mercantiles doivent bien payer avec autre chose que le vent consommé, donc avec des sous pris sur la richesse nationale, on peut se demander quelle en est ici la logique dans la circulation de l'argent. C'est une autre histoire.
Avec Caterpillar, on savait jusque dans le détail. C'est que la multinationale, qui a compté à Gosselies jusqu'à 5.500 travailleurs à la fin des années quatre-vingt et qui, au plan mondial, affiche une bonne santé indécente (respectivement 60 et 6 milliards de dollars pour les ventes et les bénéfices en 2012), a été le champion de l'évasion des profits en Wallonie (2). C'était et cela reste la valse des "centres de coûts" (pour les usines qui produisent) et "centres de profits" (qui engrangent, hors frontières). Avec Legoland, on verra.
Cela fait évidemment penser à la mort programmée de la sidérurgie en Lorraine où, en son temps, les métallos jetés à la poubelle se sont vus proposer une reconversion comme schtroumpfs dans un Disneyland aux allures - pimpant neuf! - de village Potemkine.
Là, aussi peut-être, la nomenclature économique devrait être revue. Parc d'oisiveté, d'apathie, de torpeur active?

(1) On a peine à croire qu'un tel parc ait besoin de 800 employés pour fonctionner; sans doute le chiffre inclut-il les gens qui travailleront, le temps de l'achever, au chantier d'installation.
(2) Voir l'analyse de ce montage quasi mafieux réalisée par l'ex-délégué CNE Guy Raulin, Caterpillar - Carnets d'un perceur de coffre, coédition Gresea/Couleur Livres, 2015. Pour des données actualisées, se reporter au regard laser de l'Observatoire des multinationales, https://mirador-multinationales.be/secteurs/machines/article/caterpillar