C'est en me rendant chez le libraire dimanche, Candide, place Brugman, à Bruxelles, que la chose m'a frappé à nouveau, savoir que le peuple de gauche est orphelin, toute la presse sur les étals est à 99% une presse de droite, rien à mettre sous la dent, rien à lire qui soit un tant soit peu à gauche, c'est comme vivre dans pays étranger, et monoculturel: pluralisme, connaît pas...
(Il reste quoi ? le Monde diplomatique, et puis l'Huma, peu diffusé et de plus en plus mainstream)
(Même en allemand, que j'essaie de fréquenter à nouveau, Welt, Zeit, Frankfurter: droitier; l'italien, hélas, je ne manie pas, ni l'espagnol – mais bien le néerlandais, où le paysage belge se caractérise par un désert intellectuel: il est loin le temps où De Morgen trempait sa plume dans une encre rouge).
Par moment, c'est déprimant, se sentir à ce point environné d'un climat médiatique droitier. Carrément monolithique, l'hégémonie.
(Je lisais avant, il y a vingt ans, De Morgen, c'était avant la Nieuwe Politieke Cultuur (VLD), et Le Monde, c'était avant le virage atlantiste, europhile, institutionnaliste...)
Dimanche, j'ai acheté, faute de mieux, Le Causeur (lié à Valeurs actuelles), vraiment mauvais, du "contre-blabla" impressionniste dépourvu de toute rigueur analytique: n'est pas conservateur de façon intelligente qui veut.
Faute de mieux, je pourrais acheter The Spectator, que j'achète en général (conservatisme sans nonsense, et bien écrit), mais il n'est pas dans les étals – ce qui mène à un second constat: quiconque veut lire de la presse critique (anti-consensualisme bêlant) n'a pour ainsi dire que la presse conservatrice pour ne pas désespérer de l'absence de pluralisme.
(Naturellement, il y a, du meilleur au pire, le verbiage des "réseaux sociaux", dont le succès peut être corrélé à la désaffection croissante vis-à-vis de la presse écrite, où ils disent tous la même chose, à très peu de choses près: autre débat).
Je reviens à l'absence du Spectator chez le libraire.
Ce n'est pas le seul. Voici peu, je trouvais, et achetais souvent, Harper's Magazine, Vrij Nederland, Politis, et bien d'autres qui, faute sans doute de lecteurs, ne sont plus diffusés hors frontières.
Moi qui aime lire sur papier: doublement orphelin. Plus de presse de gauche. Plus de presse culturelle de bon niveau.
Je vais arrêter de pleurnicher. On va me prendre pour Céline.
Originellement écrit en juillet 2015, retravaillé en juin 2016.